INTRODUCTION :
Ce qui me passionne : le système le plus complexe qui soit, à savoir, nous, vous, moi. L’HUMAIN, capable du meilleur comme du pire, nos comportements, nos motivations, nos émotions, mais aussi nos paradigmes, nos incohérences et nos conflits internes.
En ces temps particuliers, nous invitant à l’introspection et non à la solitude, seuls face à nous-mêmes, comment apporter des réponses intelligentes face à notre environnement VUCA (Volatile, incertain, complexe & ambigu) ?
Avant de vouloir réfléchir à des pistes de solutions à nos préoccupations légitimes, je suis convaincu que l’étape indispensable est la prise de recul et la réflexion, la CONSCIENCE. Reprendre le contrôle sur ce qu’on peut contrôler. À savoir, « soi-même » et « notre relation à la situation actuelle ». Déjà comprendre qui est aux commandes de nos ressentis et de nos pensées, « NOUS » ou plutôt des parties inconscientes de nous.
Quid de tout cela par rapport à la situation inédite que nous vivons avec le Covid 19 ?
Notre personnalité comporte de nombreuses facettes et incohérences, dynamique et dépendante du contexte, de nos humeurs.
Pour décoder les comportements « particuliers » de certains consommateurs ces derniers jours, je vous propose une « NEURO » grille de lecture (du point de vue des neurosciences)
Je ne vous propose certainement pas de solution simple, voire simpliste et ceci n’est certainement pas la vérité, mais plutôt une analyse personnelle que je vous partage.
Notre cerveau et la crise sanitaire
Notre cerveau, le contrôlons-nous vraiment ? Et dans ce contexte de crise ne serait-ce pas l’inverse ? Et ce, en toute inconscience des mécanismes à l’œuvre ? Nous humains, homo sapiens, si fiers de ce « gros cerveau » ou Néocortex, ce cerveau qui nous a positionné au fil de plusieurs dizaines de millions d’années en haut de la pyramide alimentaire ! Et pourtant, à l’origine ce n’était pas gagné !
En effet, dans nos cavernes, sans frigos, revenir de la chasse était déjà un exploit en soi, mais alors avec une prise, nous étions de vrais héros. Le reste du temps c’était la cueillette, et ce, dans le meilleur des cas.
Qu’est-ce qui a déclenché cette frénésie d’achat de papier toilette ? Est-ce vraiment ce cerveau rationnel qui a guidé certains acheteurs ou au contraire, sont-ils retournés dans des gouvernances plus ancestrales, plus archaïques, plus instinctives ?
Théorie du cerveau Tri-Unique de Paul McLean (1960) *
Notre cerveau serait composé de 3 grandes zones :
- Le Reptilien
- Le Limbique
- Le Néocortex
Au fil de l’évolution, tel un millefeuille, des zones de notre cerveau se sont développées pour répondre à la complexification de nos conditions de vie et nous y adapter ! Tel un village s’étendant autour de son centre pour devenir une ville.
1. Le Reptilien ou instinctif
(+/- 500 millions d’années, nous le partageons notamment avec les poissons)
A la base, c’est la partie la plus ancestrale et toujours présente de notre cerveau. Elle vise à la survie de l’individu, maintenir l’homéostasie, l’équilibre et concrètement : « Manger, boire et se reproduire ».
« Pas de pensées ou ressentis tel le mâle crocodile « papa » qui mange ses petits si les œufs éclosent en sa présence » ou les bébés tortues qui courent vers l’océan dès leur éclosion »
2. Le Limbique ou émotionnel
(+/- 200 millions d’années, que nous partageons avec les mammifères)
Ensuite, en tant qu’animaux sociaux, pour que les humains puissent vivre en groupe, notre cerveau a dû évoluer et, ainsi, de nouvelles zones sont venues s’y greffer. Il s’est pour ainsi dire développé. C’est le Limbique, siège des émotions et/ou ressentis, pas encore de langage, mais des sensations de plaisir/ de déplaisir et donc de la motivation : la SURVIE de l’ESPÈCE.
« Ce n’est pas bien de tuer mon voisin pour lui prendre son steak »
« Les mammifères ne survivent à la naissance que grâce aux soins des « parents » »
3. Le Néocortex ou rationnel
(« que » depuis 2-3 millions d’années)
Ce « Nouveau Cerveau » nous permettant la COGNITION : le rationnel, langage, les abstractions, l’imagination & surtout l’apprentissage.
Les informations et stimuli reçus sont traités en respectant ce même ordre : Reptilien – Limbique et puis seulement le Rationnel.
*NB : Cette théorie a évolué depuis les années 60, grâce notamment à l’imagerie fonctionnelle IRM mais cette théorie a posé les fondements de la connaissance du fonctionnement de notre cerveau en zones ou réseaux de neurones interconnectés & neuro-plasticité.
Alors, pourquoi de tels comportements irrationnels ?
Le petit quatrième… L’amygdale & Stress
NB : Le rôle premier de notre cerveau est de maintenir et reproduire notre ADN, garantir notre SURVIE. Pour se faire, l’évolution nous a dotés d’une batterie d’équipements neurologiques dont la majorité fonctionne de manière inconsciente. (99% ! oui, je sais, ça fait mal à l’égo).
L’amygdale, une autre merveille de notre appareillage cérébral a la taille d’une amende et sert à déclencher notre système d’alarme interne : le Stress – réaction naturelle et évolutive : mécanisme d’adaptation à une modification de notre environnement.
Fight, Flight, Freeze (Fuite, Lutte, inhibition)
Toute espèce vivante dispose de ces mécanismes de réaction face au danger :
- Fuir le danger
- Attaquer ou effrayer la source de danger
- Inhibition (ex : l’araignée qui fait la morte avant de détaler)
Comment ça fonctionne ?
- Instinctif & immédiat : Réaction en mode circuit dit « court » : Stimulus-réaction. Sans distinction entre un lion qui nous charge ou un rayon de papier toilette qui se fait dévaliser (le parfait exemple est le sursaut en réaction à un bruit inattendu)
- Ensuite, le limbique est stimulé et lance un programme « émotions ». Si on doit les nommer, PEUR-ANXIETE-ANGOISSE-COLERE. C’est diffus, ça dure… (une émotion authentique passe normalement au bout de 90 secondes, après disparition du déclencheur qui est censé être identifiable et net).
- La PEUR, émotion indispensable à l’évolution, orientée vers le FUTURE (souvent jugée négative ou désagréable), nous informe d’un BESOIN : ralentir, réfléchir, analyser…
- La COLERE, autre émotion, orientée PRESENT souvent socialement mal acceptée, traduit aussi un BESOIN : protéger MON territoire (mes valeurs, mon point de vue… ). « Il a pris le dernier paquet de pâtes, le rayon est vide ». La colère donne le courage de se défendre et dans ce cas, « l’autre » ne présente à ce moment-là que très peu d’intérêt pour moi, et « c’est évident, j’ai raison ! »
- Et enfin, théoriquement, le rationnel (ou néocortex) est censé analyser une fraction de seconde plus tard la dangerosité/ réalité de la menace. Qu’on le veuille ou non, nos pensées alimentent nos émotions, « cercle vicieux », on intellectualise nos émotions renforçant cette perception de danger.
TROP d’info tue l’info – « infobésité » – Fake News, Bad News, de nombreux messages anxiogènes, des décomptes de morts, une pandémie, en boucle à la TV, radio, Facebook, sms, WhatsApp, confinement, un climat de méfiance, une contamination émotionnelle… Le FUTUR est incertain (merveilleuse abstraction humaine liée à notre néocortex).
Bref, le cerveau rationnel est saturé, l’amygdale, comme un fusible court-circuite temporairement cette partie du cerveau.
Panurgisme, Empathie & Neurones miroirs
Effet de masse ou troupeau !
Vous avez déjà entendu parler d’empathie (capacité à se mettre à la place de l’autre) ? L’homme est un animal social ! Notre survie a été garantie grâce à l’appartenance au groupe, régit par le positionnement grégaire, le panurgisme, les Dominants-Soumis, les mâles Alpha et ce avant l’installation de règles, normes et valeurs communes.
Nos neurones miroirs : mêmes zones du cerveau qui s’activent en faisant ou en voyant un autre individu faire. Ces neurones seraient à l’origine de l’empathie et du langage. Ils nous permettent également de décoder inconsciemment les intentions des autres. Il n’y a pas besoins de mots, véritable communication non-verbale, identifier l’intention de l’autre, jugement immédiat « ami ou ennemi ».
Et là, à la vision des autres consommateurs dans cet état frénétique (stress, peur, angoisse… ), c’est la contagion émotionnelle, impossible d’y échapper ! Et dans ce cas-là, guidés par nos cerveaux reptiliens, seule MA survie compte et plus celle de l’espèce…
La suite, vous la connaissez !
Lessons Learned ?
La leçon à retenir dans ces situations ? Ces peurs ne sont pas juste dans nos têtes ! Elles s’accompagnent de ressentis physiologiques. De plus, tout cela est souvent inconscient.
Comment reprendre le contrôle ? Remettre en route notre rationnel (adaptatif) ? Ne pas réagir, mais répondre en conscience ? L’humain est doué de capacités d’adaptations hors normes comparées aux autres espèces vivantes. Et pourtant ! Notre cerveau traite la plupart des situations en mode « AUTOmatique » : les situations rencontrées sont perçues comme simples, connues & maîtrisées ! Nous reproduisons les comportements connus, nos routines, habitudes, croyances, en bref, ce sont nos autoroutes neuronales.
Notre cerveau a un grand souci d’efficience calorifique, oui, il est paresseux ! Réfléchir et s’adapter consomme beaucoup d’énergie ! Notre cerveau représente +/- 2% de notre masse corporelle et consommerait près de 15-20% de notre énergie.
A suivre
Ça sera la deuxième partie de cet article : des « Tips & Tricks » pour reconnecter notre cerveau rationnel et, surtout, apprendre comment changer de paradigme face à cette situation inédite. Il faudra très probablement réinventer un autre futur et réfléchir à d’autres possibles.
“Entre un stimulus et une réponse, il y a un espace. Et dans cet espace, il y a notre pouvoir de choisir nos réponses. Notre liberté et notre croissance se logent dans ces réponses. »
Viktor Frankl
Un autre regard sur cette situation, que je vous recommande est l’excellent article de Xavier Teichmann « Qui a piqué mon PQ ? » qu’explique les mécanismes d’influence.